11-Septembre

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Le complot du 11 septembre n’aura pas lieu

Monde-Diplomatique.fr

par Alexander Cockburn
Le Monde Diplomatique, décembre 2006

Façade du Pentagone abîmée après l'attaque
Façade du Pentagone avant son effondrement. (image ajoutée)

L’idée que les attentats du 11 septembre auraient été manigancés par la Maison Blanche a fait son chemin. Or, réplique Alexander Cockburn, figure marquante de la gauche radicale aux États-Unis, une telle croyance témoigne, paradoxalement, d’une forme d’hébétement devant la puissance américaine, alors même que celle-ci échoue dans des entreprises bien moins herculéennes que l’éventuelle réalisation (puis la dissimulation) d’un tel complot.


Où se trouvait la gauche américaine lors de la campagne qui, le 7 novembre, s’est conclue par la victoire des démocrates dans les deux chambres du Congrès ? Etait-elle dans la rue pour mobiliser contre la guerre d’Irak ? Non, le mouvement anti-guerre est inerte depuis des mois. Et, lors d’une des rares manifestations pacifistes organisée dans ma ville d’Eureka, en Californie du Nord, lorsqu’on m’a demandé de prendre la parole, trois des cinq orateurs n’évoquèrent même pas le conflit en cours. Ils préférèrent assommer le public – et réduire considérablement sa taille – à coup de ratiocinations interminables sur les attentats du 11 septembre 2001. Leur objectif ? Prouver qu’il s’agissait d’un complot intérieur fomenté par MM. George W. Bush et Richard Cheney ou (variation du même thème) par des puissances obscures dont les locataires de la Maison Blanche furent les simples porteurs d’eau.

Cinq ans après les attentats, la théorie du complot relative au 11 septembre a pénétré les défenses de la gauche américaine. On la retrouve également au sein de la droite « populiste » ou « libertarienne », ce qui n’a rien de surprenant dès lors que ces deux courants de pensée se défient instinctivement de l’Etat et cherchent souvent à débusquer le comploteur le mieux ajusté à leur animosité du moment, qu’il s’agisse du fisc, de l’Agence fédérale de gestion des urgences (Federal Emergency Management Agency, FEMA), des hélicoptères noirs des Nations unies ou des juifs.

Ces jours-ci, rares sont les militants de gauche qui apprennent l’économie politique en lisant Karl Marx. Ce vide théorique et stratégique a profité à des « théories du complot » qui perçoivent dans les méfaits de la classe dirigeante non pas la crise d’accumulation du capital, ou la recherche d’un taux de profit plus élevé, ou les rivalités inter-impérialistes, mais des manigances ourdies dans des lieux donnés : le Bohemian Grove, le groupe de Bilderberg, Davos, etc. Sans oublier des institutions et agences maléfiques, la CIA en tête. Le « complot » du 11 septembre a poussé toutes ces fariboles à leur paroxysme.

On trébuche sur l’absurdité centrale de cette thèse dès le premier paragraphe du livre d’un de ses grands prêtres, David Ray Griffin. Dans Le Nouveau Pearl Harbour, il écrit : « Le meilleur démenti de la version officielle réside dans le déroulement même des événements du 11 septembre. (...) Compte tenu des procédures habituelles en cas de détournement d’avion (...) aucun de ces appareils n’aurait dû atteindre sa cible, encore moins les trois à la fois. »

Le mot clé est « dû ». Un des traits caractérisant les adeptes du complot est qu’ils ont une foi absolue dans l’efficacité américaine. Nombre d’entre eux partent même d’un postulat raciste, qu’on retrouve dans certains de leurs écrits, en vertu duquel des Arabes n’auraient jamais pu mener à bien ce genre de d’attentat. En revanche, ils croient que les dispositifs militaires américains opèrent comme le promettent les attachés de presse du Pentagone et les représentants de commerce des industries d’armement. Ils ne doutent pas, par conséquent, que quand le vol 11 d’American Airlines cesse d’émettre à 8 heures 14, un contrôleur aérien de la Federal Aviation Administration (FAA) aurait « dû » aussitôt faire appel au centre de commandement militaire national et au commandement de défense de l’espace nord-américain (NORAD). Et ils sont certains, puisqu’ils l’ont lu « sur le site Internet de l’US Air Force », qu’un F-15 aurait alors dû intercepter le vol « vers 8 h 24 et en tout cas pas plus tard que 8 h 30. » Ont-ils jamais lu un livre d’histoire militaire ? On y apprend que les opérations planifiées avec le plus de soin – surtout quand il s’agit d’une anticipation de riposte à un danger sans précédent – échouent régulièrement pour des raisons liées à la stupidité, ou à la lâcheté, ou à la corruption ou à un autre défaut de la nature humaine. Sans même parler des impondérables climatiques. Selon les plans les plus minutieux du Strategic Air Command (SAC), une attaque en cours lancée par l’Union soviétique devait autrefois provoquer l’ouverture des silos à missiles du Dakota du Nord, laquelle aurait alors libéré les projectiles intercontinentaux ICBM vers Moscou et autres cibles désignées. Pourtant, chacun des quatre tests de ce genre échoua, au point que le SAC dut y renoncer. Etait-ce à cause d’un équipement défectueux, d’une incompétence humaine, de l’escroquerie d’un équipementier militaire. Ou… d’un complot ?

La tentative du président démocrate, M. James Carter, le 24 avril 1980, de libérer les otages de l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran se termina-t-elle en fiasco parce qu’une tempête de sable avait incapacité trois des huit hélicoptères, parce que ces engins étaient mal construits, ou… parce que des agents de M. Ronald Reagan et du comité national républicain (l’élection présidentielle américaine eut lieu sept mois plus tard) auraient versé du sucre dans les réservoirs ? Quand M. Cohen augmente les prix de son petit commerce, est-ce parce qu’il veut gagner un dollar de plus, parce que son loyer a augmenté… ou parce que les juifs veulent dominer le monde ?

Quelques photos de l’impact de « l’objet » – c’est-à-dire du Boeing 757, vol 77 – ressemblent au trou que provoquerait un missile. Voyez, disent les avocats de la thèse d’un putsch intérieur, ce n’est pas le Boeing 757 mais bien un missile qui a atteint le Pentagone. L’idée que de la fumée au moment de certains clichés aurait pu obscurcir la taille de la perforation est rejetée d’emblée. Peu importe par conséquent que M. Chuck Spinney, qui a quitté le Pentagone après avoir pendant des années fait connaître les extravagances budgétaires du ministère de la défense, m’ait précisé : « Les photos de l’avion percutant le Pentagone existent. Elles ont été prises par les caméras de surveillance de l’héliport, situé juste à côté du point d’impact. Je les ai vues. A l’arrêt et en mouvement. Je n’ai pas assisté au crash de l’avion, mais le chauffeur du véhicule dont je suis sorti à ce moment précis l’a vu avec tant de précision qu’il a même distingué les visages terrifiés des passagers aux fenêtres. Et je connais deux personnes qui se trouvaient dans l’appareil. L’une d’entre elles a été identifiée grâce à ses dents retrouvées dans le Pentagone. »

Les adeptes du complot vont-ils alors objecter que M. Spinney a déjà servi l’Etat, que les identifications dentaires ont été falsifiées, que le Boeing 757 a été détourné vers le Nebraska pour un rendez-vous avec le président Bush, lequel a ensuite abattu les passagers, brûlé les corps sur le tarmac et offert les dents de M. Spinney à M. Dick Cheney, afin que celui-ci puisse les faire tomber de son pantalon troué lors d’une inspection des débris du Pentagone… Ironie mise à part, des centaines de personnes ont vu l’avion, qui savent différencier un appareil de ligne d’un missile. Et puis, pourquoi ceux qui furent blessés ce jour-là, ceux qui perdirent des amis ou des collègues participeraient-ils aujourd’hui à une telle mise en scène ? D’ailleurs à quoi bon utiliser un missile quand on dispose d’un avion et – si l’on suit la thèse des adeptes du complot – qu’on a déjà réussi à faire s’écraser (grâce à une commande à distance…) deux appareils contre des cibles beaucoup plus difficiles à atteindre, les deux tours de New York ? M. Oussama Ben Laden a revendiqué les attentats ? C’est que, nous dit-on, il serait payé par la CIA. Et ainsi de suite… Au fond, quel est le but de tout cela ? Prouver que MM. Bush et Cheney sont capables de tout ? À ceci près qu’ils n’ont jamais prouvé le niveau de compétence requis pour réussir une opération aussi sophistiquée. Au lendemain de la victoire des troupes américaines en Irak, ils n’ont même pas réussi à transporter sur place quelques caisses avec dessus les lettres « ADM » pour « armes de destruction massive ». Il leur aurait pourtant presque suffi de les montrer à une presse enchantée pour que la photo fasse le tour du monde – et que la « preuve » de la justice de la guerre soit établie.

La victoire électorale des démocrates va bientôt nous rappeler que MM. Bush et Cheney ne sont pas à ce point différents des responsables de la politique étrangère américaine qui les ont précédés, ou de ceux qui les suivront. Un consensus bipartisan existe sur les questions d’Israël, de l’Irak, etc. En cherchant à nous convaincre de la dangerosité inédite de l’administration au pouvoir, les adeptes du « complot » contribuent à alimenter le fantasme qu’une nouvelle administration – Clinton, Gore ou une autre – s’emploierait à poursuivre des politiques beaucoup plus humaines que celles de l’actuelle.

Les tours, nous dit-on encore, ne se sont pas écroulées à une vitesse inattendue parce qu’elles étaient mal construites (pour des raisons tantôt liées à la corruption, à l’incompétence des entreprises de travaux publics, au laxisme réglementaire des autorités), et parce qu’elles ont été percutées par des gros avions bourrés de carburant. Elles seraient tombées à la manière d’un mille feuilles parce que des agents de M. Cheney – et il en a fallu beaucoup ! – auraient truffé les étages de charges explosives dans les jours précédant le 11 septembre. Ce fut un complot impliquant des milliers de personnes, toutes complices d’un assassinat de masse et toutes silencieuses depuis…

Machiavel nous a pourtant instruit qu’une machination accroît son risque d’être dévoilée chaque fois qu’elle fait appel à un nouveau complice. Au demeurant, dans le cas des terroristes du 11 septembre, nombre d’entre eux avaient évoqué leur projet. C’est vraisemblablement l’idée que des Arabes armés de cutters ne réaliseraient jamais un tel attentat qui explique qu’on ne les ait pas pris au sérieux et qui en a protégé le secret.

Un logicien britannique et un frère franciscain du XIVe siècle nous ont appris que, quand un fait peut être expliqué de plusieurs manières, l’explication la plus vraisemblable est celle qui réclame le nombre le moins élevé d’hypothèses successives (principe d’Occam Razor). Or, dans le cas du 11 septembre, le recours à l’hypothèse des charges explosives n’est absolument pas nécessaire pour expliquer la chute accélérée des tours, y compris la tour 7 non percutée par un avion. Un ingénieur a disséqué les raisons pratiques qui rendent la théorie des explosifs à ce point improbable qu’elle en devient absurde.

Il y a aux États-Unis nombre de vrais complots. Pourquoi en fabriquer de faux ? Chaque année, les grands propriétaires et les autorités de New York « conspirent » pour réduire le nombre de casernes de pompiers, de façon à ce que des quartiers brûlent plus facilement et que les pauvres qui y résident encore les quittent, afin que des promoteurs puissent construire plus facilement des résidences de standing. On observe le phénomène à Brooklyn, mais aussi à San Francisco, où ce qui reste de population noire habite un quartier comportant 900 hectares de terrain avec une vue imprenable sur la baie. Pourquoi ne pas s’intéresser plutôt à ce genre de « complot » ?

Les Russes, disait-on, n’auraient jamais pu construire une bombe atomique sans des traîtres communistes à leur service. Hitler avait déjà été victime d’une trahison du même ordre, faute de quoi ses troupes n’eurent jamais été vaincues par l’Armée rouge. John Kennedy ne pouvait être tué par Lee Harvey Oswald : là, c’était un coup de la CIA. Et l’on ne compte plus les explications de ce genre « prouvant » que ni les Russes, ni les Arabes, ni les Vietnamiens ni les Japonais n’auraient jamais pu réaliser ce que chaque fois réussirent des cabales de comploteurs chrétiens blancs. Ce genre d’analyse économise bien des lectures et allège le fardeau de la réflexion. Dans les années 1950, la peur d’une guerre atomique n’avait-elle pas engendré des hallucinations de soucoupes volantes ?

Certains militants de gauche américaine imaginent que toute pluie est le prélude à un arc-en-ciel. L’un d’eux, bien que se gaussant de la thèse d’un « complot intérieur » le 11 septembre, m’a ainsi précisé : « Ce qui m’intéresse dans cette affaire c’est de découvrir le nombre considérable de gens disposés à croire que Bush a soit fomenté les attentats, soit su qu’ils auraient lieu, et laissé faire. Cela suggère qu’une masse d’Américains n’accordent plus aucune confiance à leurs élus. Et c’est ça qui compte. » « Je ne suis pas certain, lui ai-je répondu, qu’on trouve avantage à un tel cynisme. ll démobilise et éloigne la population de batailles politiques qui pourraient être productives. » Car « la théorie du complot » naît du désespoir et de l’infantilisme politique. Imaginer qu’elle puisse déboucher sur une énergie progressiste revient à croire qu’un illuminé qui s’époumone au coin d’une rue révèlera bientôt des talents de grand orateur.

Dans son livre sur les services secrets britanniques, Richard Aldrich décrit la façon dont un rapport du Pentagone a recommandé que des documents relatifs à l’assassinat de Kennedy, tout juste déclassifiés, soient mis sur Internet. L’objectif visé ? « Apaiser le désir incessant du public de connaître des “secrets” en lui procurant de bonne foi de la matière à diversion. » Et Aldrich ajoute : « Si les journalistes d’investigation et les historiens du contemporain consacrent tout leur temps aux questions à la fois inextricables et usées jusqu’à la corde, on les verra moins sur les terrains où ils ne sont pas les bienvenus . » Un peu de la même manière, ne peut-on pas imaginer que la Maison Blanche se réjouit des obsessions relatives au « complot » du 11 septembre, lesquelles détournent l’attention des mille et une réelles manigances du système de domination actuel. Plus fondamentalement, Theodor Adorno a estimé, dans Minima Moralia , que « le penchant pour l’occultisme est un symptôme de régression de la conscience. »


Alexander Cockburn






Voici la réponse de Thibaut Donck, trouvée sur internet (non publiée dans le journal).

Original


9/11 : en réponse à l’article de M. Cockburn dans Le Monde Diplomatique de décembre

par Thibaut Donck
le 15 décembre 2006


En ayant pris connaissance de l’article de M. Cockburn intitulé "Le 11 septembre n’aura pas lieu", et surtitré "scepticisme ou occultisme", paru dans le Monde Diplomatique de décembre, il m’est apparu nécessaire de répondre par un courrier à ce texte mêlant à une déformation systématique des faits et des témoignages, le mépris injurieux des personnes qui ne se satisfont pas, et à juste titre, de la version officielle des attentats du 11 septembre. Voici une copie de cette réponse, envoyée le 13 décembre à la rédaction du M.D

Faut-il rire ou pleurer à la lecture de l’article d’ Alexander Cockburn, intitulé "Le 11 septembre n’aura pas lieu", dans le numéro de décembre du Monde diplomatique ?

À la rédaction du Monde Diplomatique.

Une première chose : que votre mensuel ait pu publier une telle ineptie, dont les données factuelles elliptiques - pour ne pas dire inexistantes, et surtout malhonnêtes par les amalgames et les généralisations hors de propos auxquels l’auteur recourt systématiquement tout au long de son "papier" - montre que le monde diplomatique n’hésite plus à user et abuser des mêmes procédés qu’il il dénonce pourtant régulièrement avec force et indignation comme récurrents dans les médias.

L’auteur n’est pas en l’occurrence un journaliste du M.D, mais est présenté de façon très élogieuse : « Cockburn codirige le bimensuel CounterPunch et le site du même nom, lesquels contiennent certaines des analyses les plus vigoureuses, les mieux argumentées et les plus lues contre la politique impériale des Etats-Unis (...) ».

Soit. Mais outre le fait que le Monde diplomatique n’en est pas à son coup d’essai dans le dénigrement des sceptiques de la version officielle des attentats du 11 septembre, l’introduction à son texte est tout à fait claire et de parti-pris, malgré son titre interrogatif, « scepticisme ou occultisme ? », qui semble opposer deux alternatives.

Il est en effet rapidement évident que le terme "scepticisme" est une pure convenance éditoriale : la « vigoureuse analyse la mieux argumentée » ne fera, tout au long de l’article, que métamorphoser les sceptiques du 11 septembre en sombres crétins « paradoxalement hébétés » ; en gauchistes analphabètes ; en aigris racistes et antisémites ; et globalement en « croyants », dont la religion « est issue du désespoir et de l’infantilisme politique ».

Voilà qui en dit long sur le respect qu’ont l’auteur et votre mensuel d’une partie du lectorat.

Dans ces anathèmes et injures si peu voilés (sur ce point, nous pouvons reconnaître à Cockburn une certaine sincérité d’opinion), qui sont comme le bruit de fond permanent de l’ensemble, surnagent des îlots d’arguments définitifs qui laissent pantois. Reprenons-en trois (même si tous sont du même tonneau) :

David Ray Griffin, qui a rédigé "Le nouveau Pearl Harbor", se voit affublé du titre de « grand prêtre » : ses doutes ne reposeraient que sur sa « foi absolue » dans « l’efficacité de la défense américaine ». Afin de donner des atours crédibles à son assertion vaseuse, Cockburn isole une courte phrase de deux lignes de ce livre d’enquête minutieux de 288 pages (dont plus de 40 pages de notes et références), où Griffin fait état de l’inaction invraisemblable du NORAD ce jour là. Cockburn nous affirme que ces ratés systématiques et répétés de la défense aérienne ne sont en rien étonnants, que ce genre de choses est courant, qu’il ne faut pas croire les services de presse de l’Etat-major... etc ; il s’attache ensuite, à l’appui de sa « théorie », à nous présenter des exemples de disfonctionnements ayant parsemé l’histoire militaire, et sans rapports aucun avec les faits du 11 septembre.

La démonstration détaillée de Griffin, basée sur un développement chronologique, impitoyable de clarté et de précision, qui lui permet de conclure à l’impossibilité qu’une telle suite d’incohérences et de non-réaction du NORAD - ainsi que d’autres agences -, soit due au hasard, passe bien entendu par cet artifice à la trappe. D’un livre incontournable, Cockburn tire deux lignes, dont il nous cache la nature conclusive, pour faire de Griffin un gourou conspirationniste.

Le problème du Pentagone lui donne accès à un sommet de malhonnêteté argumentaire, par son refus flagrant de se pencher sur l’impossibilité intrinsèque des informations dont il se sert ; de plus, Cockburn affiche un mépris total pour les capacités de raisonnement de ses lecteurs : Il cite en effet comme preuve de la véracité de la version officielle de l’attaque sur le Pentagone le témoignage (indirect) d’un chauffeur qui affirme avoir vu « les visages terrifiés » des passagers aux fenêtres de l’avion avant qu’il ne percute le Pentagone. Comme la vitesse de l’appareil avoisinait les 800 km/h, je vous laisse calculer le déplacement en mètres par seconde, et juger par vous-mêmes de la vraisemblance et de la recevabilité d’un tel témoignage (1). Cela ne perturbe pas le moins du monde Cockburn, qui, ayant de cette manière réglé le problème du Pentagone, peut passer à autre chose.

Les tours du WTC pour leur part étaient mal construites, pour des raisons liées à la corruption et autres, toujours selon notre enquêteur aux « analyses si judicieuses et vigoureuses ». On sait très bien que c’est complètement faux. En octobre 2001 Scientific American déclarait « qu’il ne se faisait rien de plus solide que les bâtiments du World Trade Center » (2). Ces tours, fleurons et fierté des architectes et ingénieurs américains, étaient même prévues pour résister à des crashs aériens et, du reste, la commission du 11 septembre n’a jamais diligenté de recherches dans le sens d’un vice de construction, qu’il soit dû à la corruption où à d’autres causes. Rien n’explique la vitesse à laquelle elles se sont effondrées (chute libre, sans résistance), excepté la thèse de la démolition contrôlée.

Si Cockburn cite le WTC 7 (réduit en poussière, alors qu’il n’a pas été touché par les avions, et qu’il ne subissait que des incendies mineurs), c’est pour nous renvoyer à un article sensé nous expliquer comment la chute de ce bâtiment peut parfaitement s’expliquer : je lui conseille de faire suivre ces informations au NIST qui, à ce jour, donc plus de cinq après les faits, n’a pas encore été capable de rendre un rapport définitif sur l’effondrement du bâtiment 7. La commission, en ce qui concerne cet immeuble...n’en fait tout simplement pas mention ! Cockburn ne cite naturellement ni ce fait indéniable, ni le fait proprement stupéfiant de l’aphasie complète du rapport de la commission d’enquête sur ce sujet, qui relève pourtant de sa raison d’être principale.

Mis à part le traitement douteux concernant les faits, le 11 septembre 2001 semble surtout représenter pour le journaliste une occasion de régler des comptes personnels avec une certaine gauche américaine qui a l’heur de lui déplaire, et selon lui, avec le manque de sens civique de ses compatriotes. Si je ne m’insurge naturellement pas sur le droit de Cockburn à traiter de ce genre de problématique, je me refuse à ses raccourcis arbitraires, qui font porter la responsabilité de la déliquescence civique que Cockburn prête à ses compatriotes sur les "conspirationnistes", montrés du doigt comme un danger pour la démocratie. Ce slalom thématique ne repose que sur les convictions de l’auteur, mais il s’avère bien utile pour lui offrir l’occasion d’opérer une assimilation sans fondement entre, d’une part, le cynisme, la démobilisation politique de la population et le désintérêt de la gauche pour la guerre en Irak (supposés par l’auteur), et, d’autre part, les sceptiques.

Cockburn prend aussi un ton philosophique en même temps qu’une hauteur conceptuelle du plus bel effet quand il nous cite Machiavel, et pérore sur le rasoir d’Ockham, qui devrait nous pousser à choisir parmi les solutions à un problème celle qui s’avère la plus économique en terme de complexité. C’est pourtant, comme nous venons de le voir, tout le contraire qu’il s’est acharné à faire. Qu’il laisse donc Ockham en paix et passe au rasoir électrique et à son ronronnement consensuel.

Je suis un lecteur de longue date du Monde diplomatique, mais aujourd’hui, et suite à la colère mêlée d’incrédulité devant l’indigence de cet article que vous cautionnez par sa publication dans vos pages, je m’interroge sur le bien-fondé de la confiance et du respect que je portais à votre journal.

Sans prétendre détenir des preuves contre quiconque ni souhaiter instruire eux-mêmes un procès, les sceptiques raisonnables dont, ne vous déplaise, je fais partie, peuvent établir sans l’ombre d’un doute que la version officielle est fausse. Il ne nous appartient pas d’en tirer les conclusions définitives. Nous exigeons seulement la mise sur pied d’une nouvelle commission d’enquête indépendante, sur cette base plus que justifiée. Il est parfaitement choquant de nous voir traînés dans la boue dans votre journal au travers d’une vindicte diffamatoire et sans fondement pour cette seule raison.

Je ne peux croire que l’ensemble de la rédaction du Monde Diplomatique soit en accord avec la ligne éditoriale "d’exception" infléchissant le traitement, dans vos colonnes -habituellement respectueuses des faits- de cet événement qui n’en finit pas d’empoisonner notre actualité. Y aura-t-il encore une possibilité de lire un jour dans vos pages un article honnête sur le 11 septembre ?

J’en doute.

Je suspends bien sûr l’achat de votre mensuel ; vous comprendrez qu’en tant que lecteur, il me soit pénible de soutenir financièrement le Monde Diplomatique lorsque celui-ci met systématiquement en doute mes capacités intellectuelles et ma santé mentale, quand il n’utilise pas l’injure voilée et le sarcasme - et je doute fort d’être le seul dans ce cas.

Avec consternation et regret.


Thibaut Donck


Notes :

1) voir, concernant le pentagone ici.

2) En octobre 2001 "Scientific American" déclarait qu’il ne se faisait rien de plus solide que les bâtiments du World Trade Center. Affirmation que je présume inconnue de l’auteur. Citation : « Les tours, nous dit-on encore, ne se sont pas écroulées à une vitesse inattendue parce qu’elles étaient mal construites pour des raisons liées à la corruption, ou à l’incompétence des entreprises de travaux publics, ou au laxisme de la réglementation, et parce qu’elles ont été percutées par de gros avions bourrés de carburant... »

Concluding remarks in the FEMA report on the WTC 7 collapse lend support to these arguments :

« The specifics of the fires in WTC 7 and how they caused the building to collapse [“official theory”] remain unknown at this time. Although the total diesel fuel on the premises contained massive potential energy, the best hypothesis [fire/debris-damagecaused collapse] has only a low probability of occurrence. Further research, investigation, and analyses are needed to resolve this issue. » (FEMA, 2002, chapter 5 ; emphasis added)

Traduction :

« Les caractéristiques des incendies du WTC 7 et la manière dont ils ont provoqué l’effondrement du bâtiment [« théorie officielle »] demeurent inconnus actuellement. Bien que tout le carburant diesel sur les lieux contenait une énorme énergie potentielle, la meilleure hypothèse [effondrement causé par les dommages de l’incendie et des débris] a seulement une faible probabilité d’occurrence. Davantage de recherches, d’enquêtes, et d’analyses, sont nécessaires pour répondre à cette question. » (FEMA, 2002, chapitre 5)

Plus de 5 ans après sa survenue l’organisme officiel chargé de rendre un rapport définitif sur l’effondrement du bâtiment 7, à savoir le National Institute for Standards and Technology’s ne l’a pas encore rendu (il en est toujours au stade d’un rapport provisoire) et pourtant le NIST est un organisme qui n’hésite pas à affirmer sans aucun calcul pour le démontrer qu’il est normal que les débris des tours jumelles ont chuté quasiment en vitesse de chute libre en traversant des structures d’acier et de béton aussi rapidement que si elles tombaient dans l’air (certains appellent cela "la science Bush"), voir notamment :

ici

Des experts de pays européens estiment que le bâtiment 7 avait, selon eux, été détruits par explosifs, voir :

ici


et ici

Témoignages à l’appui de l’utilisation d’explosifs au WTC :

1 video

2 video

3 vidéo

4 video

5 video

Témoignages concernant l’acier et le métal fondu au WTC (entre autres liens sur ce sujet) :

1 acier fondu

2 acier fondu

3 acier fondu

également occulté comme d’autres faits par les rapports officiels (voir l’étude de Steven Jones : « Why Indeed Did the World Trade Center Buildings Completely Collapse » consultable sur ce lien notamment.