11-Septembre

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Une photo qui pose problème

par Thierry Meyssan
Journaliste et écrivain
extrait de son livre "Le Pentagate", pages 20 à 27

Une pièce mystérieuse sur la pelouse devant le Pentagone

La photo ci-dessus a été longtemps avancée comme une "preuve" de la présence d'un avion au Pentagone, alors même que les premières déclarations officielles indiquaient l'absence de pièces importantes. Cette photo est contestée sur le fond car on ne parvient pas à déterminer si la pièce provient d'un Boeing 757, pour quelle raison elle est si miraculeusement propre, etc. Alors, comment est-elle devenue une "preuve" ? [Y.D.]


Le Pentagone lui-même déclarait en septembre 2001 qu'il n'existait pas de morceaux importants [de l'avion]. Il y a donc peu de chances que ce fameux débris provienne du vol AA77. Hervé Kempf, journaliste au Monde, ne peut pas ignorer toutes ces incohérences

Le 23 mars 2002, au cours de l'émission + Clair, sur Canal+, Thierry Meyssan le confronte aux contradictions que soulève la publication de cette photo dans le quotidien :

- Thierry Meyssan : « Voilà une falsification très intéressante. Le journal Le Monde, qui a cherché à induire ses lecteurs en erreur, a publié une photographie qui provient d'un photographe officiel de la marine des États-Unis.

- Daphné Roulier, présentatrice de l'émission : USA Navy.

- Thierry Meyssan : Sur cette photographie, on voit un morceau de métal qui n'est pas identifiable [...]. Le département de la Défense nous a dit qu'il n'y a qu'un phare de l'avion qui a été retrouvé sur la pelouse. Donc d'après les autorités, ceci n'est pas un élément de l'avion. Pourtant, le journal Le Monde [...] utilise ça comme argument. [Il] fait semblant d'ignorer cette conférence du 15 septembre dont nous avons largement discuté ensemble [Thierry Meyssan et Hervé Kempf]. Et vous m'avez plusieurs fois interrogé sur cette photographie. Mais pour en rajouter, ils signalent qu'ils ont contacté l'auteur de la photographie, le 19 mars, pour s'assurer de son authenticité - ce dont personne ne doute, mais qui ne nous apporte strictement rien quant à la signification de l'image. [...] Je voudrais savoir pourquoi le journal Le Monde a voulu induire ses lecteurs en erreur avec cette photo. [...]

- Daphné Roulier : Si je puis me permettre, je crois, Hervé Kempf, que vous n'étiez pas d'accord avec l'explication de cette photo.

- Hervé Kempf : Alors ! C'est très intéressant que M. Meyssan cite cette photo et ce qu'il en dit est exact. C'est-à-dire que je suis d'accord avec lui et il y a eu un débat au sein de la rédaction du Monde - parce que la rédaction, ce n'est pas monolithique. Et personnellement, avec d'autres journalistes, j'étais opposé à la publication de cette photo qui était présentée comme un élément de preuve. Vous avez tout à fait raison de signaler que ce n'est pas un élément de preuve et que c'est présenté de façon à le faire croire : "Ah ! Vous voyez bien que M. Meyssan a tort puisque voilà un débris avec un morceau d'avion !" Si on lit attentivement cependant la légende, on verra qu'il n'y a pas d'ambiguïté. »

On peut effectivement relire la légende de cette photographie, citée plus haut, et se ranger du côté d'Hervé Kempf : il n'y a pas d'ambiguïté, ce débris est clairement présenté comme un débris du Boeing, même si la paternité de cette authentification est accordée à Associated Press. L'éditorial était, quant à lui, totalement affirmatif.
Pour mémoire, citons la légende d'Associated Press : « un morceau de l'épave de l'avion repose près de l'héliport sur le côté ouest du Pentagone après une attaque terroriste le mardi 11 septembre 2001, à Arlington en Virginie. Les débris de l'appareil ont été répandus au-delà de la route express et des équipes médicales militaires étaient en train de se mobiliser pour porter secours aux blessés. »

Que vient donc de nous dire Hervé Kempf ? Qu'il savait que cette photographie ne représentait pas un « élément de preuve ». Qu'il en a fait part au cours d'une réunion de la rédaction. Mais comme, « une rédaction, ce n'est pas monolithique », que l'on imagine majoritaires ou hiérarchiquement supérieurs, ont néanmoins choisi de publier cette photo , sans aucune garantie sur ce qu'elle pouvait représenter. Et cette publication s'accompagne même d'une légende et d'un éditorial qui visent à faire croire au lecteur qu'aucun doute n'est possible sur la nature du débris, qu'il provient bien évidemment du Boeing 757-200 disparu d'American Airlines. Voilà une intéressante conception de la fiabilité de l'information au sein d'un journal.

La déclaration télévisée d'Hervé Kempf est très dure vis-à-vis de son propre journal. Nous avons interrogé le journaliste de façon à lui permettre de s'exprimer et de revenir sur cet épisode. Il pense que la photo représente bien un morceau du Boeing, mais confirme également qu'il était opposé à sa publication : « j'avais un problème avec l'utilisation de la photo comme preuve. Pour moi, ce qui compte, c'est le contexte, l'auteur, les conditions de fabrication du document, l'environnement sociologique de cette fabrication. [...] Or, à ce moment-là, nous n'avions pas encore pu interroger Mark Faram. Nous l'avions contacté par e-mail et il nous avait simplement confirmé être l'auteur de la photo. » [...]

Le 23 mars 2002, au soir de la diffusion de l'émission de Canal+, le public français savait donc que la photographie du débris publiée dans Le Monde n'était pas un « élément de preuve ». Il savait également que ce débris ne figurait pas parmi les éléments officiellement récupérés par les militaires américains. Son authenticité, en tant que débris de Boeing, était donc gravement remise en cause.

Pourtant, dans les jours qui suivent l'émission, plusieurs publications vont, sans craindre d'induire leurs lecteurs en erreur, à nouveau produire cette photographie comme un élément de preuve contre l'enquête de Thierry Meyssan. Successivement Marianne 1, Entrevue 2, et Paris-Match 3 publient à nouveau la photo de Mark Faram, sans la moindre précaution rhétorique. [...]

En médaillon, Paris-Match produit également une deuxième « preuve ». Dans un amas de matériaux non-identifiables, on peut difficilement distinguer une forme sombre et circulaire, ressemblant vaguement à un pneu. Devant la faible qualité de la photo, on se demande si l'on n'est pas en face d'un test psychologique où chacun est invité à projeter ses propres fantasmes. Pourtant, Paris-Match affirme avoir reproduit là, « disloqué mais parfaitement identifiable (sic), un pneu du train d'atterrissage » qui aurait été « également [...] retrouvé. » Par qui ce pneu a-t-il été retrouvé ? L'heureux propriétaire de cet encombrant objet n'aurait-il pas dû le transmettre aux autorités américaines, qui ne disposaient en septembre que d'un phare  et des boîtes noires ? Là encore, pas de réponse...

La même précipitation caractérise l'ensemble des journaux qui ont publié cette photo de débris en le présentant sans aucune précaution comme provenant du Boeing 757-200 d'American Airlines. La plupart des journalistes n'ont même pas fait la démarche minimale effectuée par Saveria Rojek, c'est-à-dire recueillir l'avis du photographe et d'un expert. Le travail de contre-enquête s'est finalement limité à bien peu de choses.


Thierry Meyssan


1. "Rumeurs - Le Pape a-t-il organisé les attentats du 11 septembre 2001 ?", Éric Dior, Marianne, 1er au 7 avril 2002.
2. "Ardisson complice d'une imposture", Entrevue, avril 2002.
3. "Pentagone, la rumeur pulvérisée", Saveria Rojek et Romain Clergeat, Paris-Match, 11 avril 2002.


Site du livre "Le Pentagate"